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Politica / Politique


L'air du temps se gâte. Sur l'Europe. T.Bartoli
24 / 06 / 2017 396 lu(s) 
LO CONVIDAT DAU CEBIER
    Thierry BARTOLI

   Ce texte a pour but de souligner la gravité du « back ground » du monde et mettre en exergue l’insuffisance de la campagne présidentielle en France, pas inintéressante mais confuse, au cap incertain, avec  des difficultés probables pour gouverner quel que soit le responsable.
   Daech, le terrorisme, le chômage, les carences de l'U.E., sans doute, mais ce monde qui est encore est plus dangereux, la finance en roue libre -non pédagogisée au-delà des slogans faciles-, la crise écologique sous-estimée (Mélenchon la découvre à 65 ans, Hamon la prenant en compte sans plus, très discrète chez les autres…), les risques de conflit de toutes natures  pour tout le monde..; avec  en plus le fait qu’aucun candidat n' a de crédibilité internationale suffisante pour prétendre être un acteur majeur,  et pour tenter d'être audible...
   Enfin le trans-humanisme qui n'est pas un gadget, mais un véritable nouveau paradigme, qu'on va sans doute subir comme pour le numérique et les GAFA (dans 15 ans même l'Allemagne seule ne fait plus partie du G7 ...).  

  

                     L’AIR DU TEMPS SE GATE


   La finance incontrôlable

   Le shadow banking, les opérations de gré à gré, non régulées, de la part de certaines banques d'investissement ou fonds spéculatifs, sont alimentés par un niveau de liquidité gigantesque et en constante hausse, en circulation, et sont le présage d'une instabilité financière majeure, qui pourrait ne pas être une simple réplique de la crise de 2008, mais un séisme submergeant les fondements du capitalisme financier.
   Celui-ci a été le théâtre depuis 30 ans d'une concentration du pouvoir financier, économique, idéologique (par la propriété des médias), de la transformation du statut et de la notion même d'entreprise, perçue comme un produit financier, avec les exigences d'une rentabilité court terme, et comme seule permanence, la volatilité.
   La montée des inégalités et l'effritement de la classe moyenne dans tous les pays de l' OCDE, l'incapacité de ceux-ci à redéployer l' impôt des revenus du travail vers ceux des rentes financières, foncières, immobilières, ceux concernant les ressources naturelles, a été compensé par l'endettement privé aux EU notamment, et par les politiques publiques et les déficits publics en Europe du sud particulièrement, par une dualité du marché du travail et une précarité accrue au RU et en Allemagne...
   La traduction politique en est une émergence des populismes anti-élites prônant des replis nationalistes, mettant parfois en cause la démocratie même, au risque d'hystériser les divergences d'intérêts des différentes nations.
   Situation qui pourrait déboucher sur le plan monétaire sur une guerre des monnaies, une course à la dévaluation comme en 1929, et son corollaire, la création monétaire inflationniste, source d'instabilité et non remède à celle-ci.
Quelles seraient les voies d'une stabilité financière internationale ? A coup sûr et à minima, un haut niveau de coopération entre états et dans l'idéal quelque chose comme un nouveau Bretton Woods, accouchant d'un système monétaire multipolaire, d'un panier de devises constitué du dollar, de l'euro, du yuan, d'une diversification des réserves de change, liant les intérêts de tous les acteurs. Alors que des approches nationales développent de la concurrence entre les juridictions, les systèmes de régulation, et in fine une course à la dérégulation.

Guerre et paix, nouveau chapitre ?

   Aujourd’hui les EU semblent plutôt opter pour un régime d'action unilatéral et intempestif. La Chine se retrouvant un peu malgré elle en modérateur des conflits (entre la Corée du nord et les EU), ainsi que sur les accords climat. L'Europe étant elle en plein doute existentiel, sous la menace d'une implosion, non pas tant sous l'effet du Brexit que du fait d'une Commission à la légitimité en berne, d'un Conseil européen paralysé par les divergences entre Etats et d'une panne de la relation franco-allemande.

   Loin d'un rapprochement de confiance entre grandes puissances, nous sommes plutôt à l'aube d'une ère de réarmement mutuel. La Chine est désormais une grande puissance militaire, les E.U. sous l'impulsion de D.Trump augmente leur budget en la matière pourtant déjà très élevé, la Russie a connu
une hausse de 100% en 10 ans.
   En outre nous sommes aussi au moment d'une mutation de la nature même des conflits, de la notion même de guerre, avec l'intrication possible des conflits civils, régionaux et planétaires. De plus l'accès aux outils de guerre est en passe d'être généralisé à des acteurs infranationaux, non étatiques (groupes, réseaux, putchistes, mercenaires...) ou à de simples individus, notamment par la prolifération d'armes de précisions longue distance.
   Par ailleurs la manipulation des médias, les intrusions informatiques, le sabotage d'infrastructures, la perturbation de la cohésion sociale et bien sur le terrorisme, s'avèrent plus que la victoire par les moyens militaires traditionnels, être les vecteurs d'un brouillage de la frontière entre le temps de paix et celui de guerre, d'une zone grise entre paix et guerre totale. Ceci bien que l'escalade entre nations par jeu d'alliances mais aussi par accident, maladresse ou erreur de calcul ne soit en rien exclue.
   Et l'exploitation des nationalismes, des idéologies religieuses, des politiques identitaires, peuvent plus que jamais nourrir et légitimer un basculement, car la guerre n'est jamais uniquement affaire de propriété des ressources, ni la violence uniquement dictée par les conditions sociales, mais toujours aussi une question culturelle, identitaire, de représentation du monde et des autres, autrement dit relève de "la superstructure", est affaire de ressentiment, de passions et de passions tristes, l'expression de gènes récessifs, le produit d'un bellicisme viscéral, irrationnel, parfois contre les intérêts directs des protagonistes, le fruit d'un tropisme, celui de persévérer dans son être, au risque de détruire les conditions même, l'écosystème de sa survie

   Dans cette tectonique des plaques culturo-civilisationnelles, l'Europe qui en 2030 représentera 5% de la population mondiale sera-t-elle capable de construire un pôle de stabilité ? De créer une entité à même de prendre l'initiative des régulations mondiales, ou du moins d'être acteur à part entière des négociations ? Sa situation actuelle ne nous en offre aucune garantie.
   Ou est-elle destinée à un avenir néo-médiéval dans lequel ce sont les réseaux privés, les entreprises, les ONG, les villes, les régions, qui prennent le relais des carences de l'U.E. et poursuivent l'intégration européenne ?

   Cette dernière option préférable à la dissolution, si elle peut produire des effets positifs à long terme, ne semble pas à même d'éloigner les dangers immédiats, de remédier à la dichotomie et donc à l'affrontement entre une partie des populations développant une aptitude à la mobilité, physique, culturelle, économique, donc moins attachée à une situation donnée, ou pouvant par le nomadisme s'adapter à un contexte incertain ou dégradé, et l'ensemble certes hétéroclite et non conforme à la projection des mouvements populistes, voulant y voir un peuple fusionnel, et le vrai peuple, mais l'ensemble tout de même des assignés à résidence.
   Le capitalisme financier dresse donc les opinions contre leurs élites, suscite des crispations nationalistes hypothéquant l'advenue d'une échelle de gouvernance propice à la régulation de ses flux. Les voies du multilatéralisme ne peuvent-elles émerger que par les traumas conséquents à un ou des conflits majeurs, à l' expérience partagée de la guerre?

   L'Europe, elle qui possède la mémoire profonde de ces vicieux engrenages, semble dépassée par les désordres du Moyen-Orient, et le jeu à trois bandes entre les E.U., la Chine et la Russie, l’unilatéralisme de chacune de ces grandes puissances. Elle semble en outre tétanisée par la résurgence en son sein de mouvements d'opinion nationaux -populistes.
   L'Histoire bégaie, prolifération nucléaire et crise écologique en sus ...

Une nouvelle ère diplomatique, avant ou après la catastrophe ?

   Théoriser que l'ouverture des sociétés et la désintermédiation du politique sont en soi autorégulateurs et autosuffisants est une diarrhée de sens. La fermeture et la crispation identitaire, une constipation.
Que les relations internationales et les joutes diplomatiques accouchent d'un régime à la fois fluide et consistant avant la coagulation des malentendus, avant le point d'ébullition, nous éviterait de livrer une ou plusieurs générations au pilori de l'absurde.

Thierry BARTOLI
Avril 2017

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