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KANAKIE. 1853-2018. Libération ou néocolonialisme? V. Tancarel
25 / 11 / 2018 406 lu(s) 
LIBERACION O NEOCOLONIALISME ?

         KANAKY, 1853-2018

   Enjeux et sociologie d’un scrutin néocolonial

   Nul ne sera déçu chez les Kanaks dont les sondages prévoyaient des résultats a minima. Or, au lieu de 70% des suffrages espérés par les Néo-Calédoniens, ce ne sont que 56,4% des suffrages qui se sont exprimés en leur faveur. Au contraire, les Kanaks regroupés au sein de l’UNI-FLNKS, ont progressé partout : dans leurs fiefs de Canala (côte orientale) et de Hienghene, le fief des Jibaou où les scores voisinent ou dépassent les 90%. Ils ont également progressé dans l’ensemble des communes par rapport aux élections « provinciales » de 2014.

  Les indépendantistes ont aussitôt analysé les résultats obtenus dans les deux camps. D’ abord une participation de 80% de votants, ce qui souligne l’intérêt pour un changement politique dans l’Ile. Mais on n’efface pas facilement plus de cent-cinquante ans de colonialisme, de répression militaire et d’administration coloniale. La répartition des populations au Sud-Ouest de la Grande-Terre et à Nouméa, lieux où est concentrée la richesse des descendants de colons et d’anciens bagnards, a incontestablement joué en faveur des « loyalistes ». Mais les indépendantistes voient des facteurs autres que sociologiques ayant freiné leur avancée. D’ abord un appel à l’abstention d’une partie du camp indépendantiste qui a sans doute joué dans la baisse des suffrages. Et, d’autre part, justement analysée par Emmanuel Jibaou, l’un des fils de J-M Jibaou, l’ascension sociale par les études pour une minorité de jeunes kanaks ; ce qui a pu jouer dans la formation d’une partie de la jeunesse, en perte d’identification culturelle traditionnelle. Car c’est sans aucun doute autour de la culture kanaque que s’est construit le mouvement de libération et que s’est formée une  conscience nationale. Ce qui souligne le poids de la rupture culturelle en cours, accélérée par une population de 60% de non kanaks.
                                              
Deux fois deux égalent un ?

   Néanmoins les responsables nationalistes restent confiants. Le respect des accords de Nouméa (1998) leur laisse encore la possibilité de relancer deux consultations dans deux et quatre ans. Il suffit qu’un tiers des membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie en fasse la demande, chiffre à la portés des indépendantistes qui détiennent 24 sièges sur 54.  Ce que les « loyalistes » refusent et avancent comme l’argument central de leur stratégie du court terme : freiner par tous les moyens la remise en question de l’ordre actuel à la faveur de nouveaux résultats électoraux. Si la population canaque est aussi lassée de scrutins qui n’ont pas fondamentalement changé les conditions de vie des kanaks des villages retirés, le mouvement kanak a pris toute la mesure du travail politique à entreprendre dès le lendemain de  ce scrutin. Une avancée ne peut être atteinte qu’en gagnant des abstentionnistes et notamment ceux qui, métis et allogènes sont partisans de la « pleine souveraineté ». Cette stratégie collective sera la condition d’une victoire électorale. Pourtant, arithmétiques et démographiques, les conditions d’une telle victoire ne sont pas évidentes quand la plupart des richesses de l’île est concentrée  dans les mains des partisans du Non. Chacun sait que qui possède ces richesses, fussent-elles « partagées », est là que se trouve la clé du changement.

   L’enjeu électoral ne peut être donc pensé en dehors de toute mobilisation sociale et politique, en gagnant les dizaines de milliers de voix qui leur ont manqué. Encore faudrait-il que les objectifs avancés fassent contrepoids au chantage au chaos que les partisans du Non ne vont cesser de mettre en avant. Sortir du colonialisme n’est pas une sine cure. Le rassemblement du peuple kanak en est la condition essentielle face aux pièges que l’Etat et ses relais ne manqueront de poser dans les deux prochaines années. Le souvenir du sacrifice de Machoro et de J-M Jibaou  pèse toujours dans le dénouement de la question kanaque. L’Etat français le sait aussi car c’est encore lui qui définit les règles du jeu. Et Macron-Janus  se révèle tel qu’il est : la face cachée du neutralisme avant l’élection et les remerciements à la fin du scrutin à ceux qui font confiance à la France des traditions coloniales. Tout un programme, avec une même volonté d’un Etat qui a mal digéré cette épopée peu glorieuse et souhaite garder la mainmise sur ces territoires
« d’Outre-Mer ».
                                                                                                            Vincent Tancarèl
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