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Débattre à AIX en Provence : "contrer l'extrême droite, combattre la droite extrême". L'espinchaire sestian
29 / 03 / 2017 400 lu(s) 
DEBATTRE A AIX-EN-PROVENCE


      « Contrer l’extrême droite, combattre la droite extrême »

   A l’invitation de l’opposition de gauche à la municipalité de Me Joissains, un débat sur l’extrême droite et la droite extrême s’est tenu le 15 février au local des élus en présence d’un certain nombre de sympathisants. Y étaient représentés des élus du Parti Socialiste et du Parti Communiste, des associations de la société civile (Agir, comité de soutien aux Roms…), et des membres du Partit Occitan qui avaient pour mission de lancer le débat.
                                                

Deux identités pour demain ?

   Ce qui fut fait avec Hervé Guerrera, l’élu municipal du Parti Occitan, qui donna le ton en rappelant que deux chemins s’ouvrent aujourd’hui quand on parle d’identité « personnelle, sociale, territoriale » : « le premier est celui d’une identité fermée, la langue, quelle qu’elle soit, pour s’ériger en tant que barrière(…) face  « à l’estrangier, le bomian, le ROM, désigné à la vindicte populaire comme la source de tous les maux(…). Ces particularismes exacerbés, ces nationalisme intégraux, pour reprendre le concept maurrassien, confinent aux barbaries dictatoriales, dont le fascisme ; puis la dimension biologique du nazisme vont aller jusqu’à l’horreur absolue de la solution finale, de ses génocides et ses millions de morts. »
   Au contraire, la deuxième voie est celle d’une identité ouverte dans laquelle la langue est « un objet de partage, un outil d’intégration, un rempart qui fait opposition au grand laminoir culturel de la standardisation libérale. Langue et identités deviennent des ponts (…) et trouvent leurs places dans l’accueil et l’échange entre anciens et nouveaux arrivants.(…) De nouveaux espaces de solidarité se dessinent à l’échelle de l’Europe, de la Méditerranée comme de la planète.
   Ces positionnements d’exclusion qu’on dit « populistes » frappent à la porte de l’Europe ; ils relèvent de facteurs favorisants : crises de nature économique, écologique, culturelle « dans ces temps compliqués qui sont de véritables handicaps à la réflexion comme à une vraie citoyenneté », actionnés par des « agitateurs de peurs et des marchands de désespoir ». Autant de vielles recettes qui ont fait par le passé le succès de l’extrême droite.
   L’élu énonce des antidotes : d’abord, lutter contre le révisionnisme, pour les droits, premiers objectifs de ce cordon sanitaire face à l’extrême droite et ses variantes, elle qui ne veut pas intégrer les ROMs et veut rétablir des frontières intérieures ; soutenir les associations d’aide à l’insertion en butte à l’exécutif municipal et ses alliés du FN ; dénoncer la motion votée par C. Estrosi contre les réfugiés ; organiser la riposte contre les groupuscules fascistes revanchards. Dans tous les cas de riposte, celle-ci est transversale aux organisations et partis démocratiques qui se mobilisent pour les services publics, le climat, le refus de traités économiques ultra-libéraux. L’essentiel est d’être sur le terrain « aux côtés des acteurs de l’insertion, avec ceux qui se battent pour le service public, le renouvellement urbain, la solidarité…» C’est cela donner du sens à l’accueil, à la convivialité provençale, l’humanité. Car il faut  « rompre l’isolement, reconstruire les solidarités, valoriser les proximités, agréger les quartiers dans un projet commun de ville ou de regroupements communaux, urbains ou ruraux… »
   C’est là que se trouve la réponse aux inégalités sociales et territoriales, c’est ici qu’il faut « agir et réagir. Il y a vraiment urgence !» Message entendu par une assemblée, certes, conquise au débat.

        Dans le fil du débat et de l’intervention de H. Guerrera, Gérard Tautil présente son dernier livre  consacré au nationalisme français et les causes de la re-montée de l’extrême droite et de la droite extrême (1). Travail minutieux que celles des causes, pour comprendre l’actualité : sur le pré-carré d’un nationalisme ancien (Maurras, Barrès, Vichy, puis Poujade, Tixier-Vignancourt relayés par Le Pen), le chemin est ouvert aux fugures contemporaines : Sarkozy, Rétailleau, Fillon, Copé, Lemaire, Mariton, Morano, Ciotti et d’autres de la droite extrême… Ce discours nationaliste se trouve renforcé par la constitution gaulliste de la Ve République (élection présidentielle centrale au suffrage universel, législatives au suffrage majoritaire à deux tours), un système pyramidal assis sur l’article 16 des pleins pouvoirs, un 1er ministre qui impose ses politiques par l’usage du 49,3. C’est dans ce contexte de blocage que le FN peut se présenter comme le « parti du changement ». Dans un contexte de réforme territoriale technocratique, de renforcement du contrôle préfectoral, il a compris toute  l’exploitation possible de ce dispositif centraliste, quitte à dénoncer le « sursaut républicain », ultime recours du « système », manifestation évidente de l’absence réelle de répartition des pouvoirs qui, paradoxalement, le conforte…

   Un troisième facteur joue en ce sens : la globalisation économique capitaliste qui est à mettre en parallèle avec le développement des banques d’affaires dès 1980, économie de rente contre l’investissement public que Mitterrand renforce dès son arrivée. La montée des « populismes » en Europe s’engouffre dans la poussée des inégalités. Le modèle unique « libéral » est intériorisé par les classes moyennes qui en bénéficient en partie. Mais jusqu’à quand ?Tout cela dans un contexte de politiques  d’austérité économique de l’Europe, reprises par les Etats  et qui sanctionne notamment plus durement les Etats d’Europe du Sud.


Quelques pistes pour sortir de l’enfermement centralo-libéral

   L’analyse de ces contradictions socio-économiques et politiques est bien perçue dans le débat ; les solutions existent dans une remise en question profonde. Sortir d’abord du centralisme jacobin ( constitution bonapartiste de l’An VIII), retrouver le discours fédéraliste de l’An I (1790), penser une VI e République fédérale loin des schémas actuels qui ne feraient que reconduire la Ve avec des modifications à la marge ; enfin, en liaison avec les système fédéraux  ou confédéraux existant en Europe (Royaume Uni, Allemagne, la Suisse, l’Italie en partie, la Finlande, la Belgique…) penser des systèmes d’autonomie dans le cadre européen. Pour tourner le dos aux systèmes clos dont l’Etat Français est l’un des meilleurs représentants. Une question qui fâche ? Celle de la supranationalité qu’il faut bien poser, progressive et adaptée au XXIe siècle. Au contraire de cette France rabougrie qui refuse, droite comme gauche unie sur cette question, toute tentative de construire des institutions supranationales, donc de faire l’Europe à son image ! Autant de blocages qui nourrissent les forces qui se crispent dans un nationalisme rétrograde.

    Et G. Tautil de conclure avec ce fort rappel   :

   « Tant que l’Etat ne sera pas capable de conjuguer République et démocratie culturelle, langue officielle et pluralisme linguistique, véritable décentralisation et compétences législatives partagées, question sociale et développement local/régional, la centralisation continuera à renforcer les forces politiques les plus rétrogrades de ce pays.
    « Tant que la gauche ne comprendra pas que la Vé République est en fins de course, qu’il faut ouvrir d’autres voies démocratiques en s’appuyant sur la société civile, et que sa logique-même donne aujourd’hui à l’extrême droite la possibilité de prendre le pouvoir, sinon des espaces de plus en plus importants de pouvoirs, le pire pourra exister et nous rappeler les pires moments de l’Histoire réelle qu’ont vécus les générations qui nous ont précédés. »

   Avec ces deux interventions complémentaires, avec la contribution large d’une partie importante des participants, on aura compris que « la lutte contre le FN et les forces réactionnaires qui le confortent n’est qu’un aspect de la reconstruction démocratique qui nous attend. »

                           L’espinchaire sestian
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