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Violences policières, r&acisme, néocolonialisme, roman national, ce que nous dit Provence
16 / 07 / 2020 397 lu(s) 
Violences policières, racismes, néocolonialisme, roman national français,

               CE QUE NOUS DIT PROVENCE

     Les récentes manifestations contre les violences policières en France et aux Etats-Unis nous disent, de toute évidence, que le vieux monde n’est pas près de mourir et que tous les moyens sont bons pour le prolonger.
     La mort, par étouffement, de George Floyd à Minneapolis, dans un contexte de racisme antinoir, fait écho aux multiples agressions contre les mouvements sociaux dans l’hexagone (11 morts lors du mouvement de Gilets jaunes, sans compter les éborgnés et invalidés par LBD). La famille d’Adama Traoré se bat depuis plusieurs années pour que l’agression ayant entraîné la mort d’un de ses enfants, exige que justice soit enfin rendue. Comme celle du jeune livreur Chauviat asphyxié à terre. En écho au discours récent de Macron- et à sa surdité croissante-, la période de l’empire colonial veut encore faire face à la résilience des populations directement concernées : malgaches, descendants de populations noires et des immigrations successives d’Afrique et d’outre-mer, enfants de toutes les colonisations dont cette France du refus immortalise tous ces non-sens de l’histoire de l’humanité. C’est avec lucidité et persévérance que nous devons assumer cette contre-histoire répressive et en dénoncer les effets toujours pervers, longs et durables.

     Mais pour beaucoup de provençaux, d’occitans et d’autres populations victimes des histoires officielles et des répressions populaires classées sans suite au rayon des accessoires « régionaux », nous ne pouvons ignorer ces refoulements récurrents du roman national. L’histoire de la Provence témoigne de ces falsifications répétées. Son histoire est un concentré d’immigrés qui, depuis les Ligures, les Celtes, les Romains, les Germains, les Francs, en conflits armés ou « diplomatiques », annexions militaires ou « consenties », ont produit cette histoire à la fois simplificatrice qui fait et défait les communautés anciennes pour se recomposer en histoire choisie. L’« Officielle », toujours celle des vainqueurs.    
                                          
     L’histoire récente, celle des 18e et 19e siècles, loin des conquêtes anciennes d’un Nord dominateur sur un espace méditerranéen de cultures différentes, nous rappelle que les Provençaux sont aussi cette synthèse malgré eux d’une histoire rarement maîtrisée. L’assimilation, fondement de cette nation politique qui se choisirait, en est le maître-mot. Le colonialisme redondant de l’Etat napoléonien, puis républicain dans le prolongement d’une Révolution avortée, prolonge les politiques centralistes d’une bourgeoisie aux manettes. Martin Bidouret contre Napoléon III, c’est aussi l’expression d’une résistance populaire dont le fer de lance est la petite paysannerie appuyée par la petite bourgeoisie urbaine qui prend du poids à Toulon et Marseille.

Italiens donc français ?

     Le deuxième volet social de cette histoire, c’est aussi l’appel à une population italienne qui a toujours côtoyé la société provençale pour souvent s’y fondre. Il est vrai que nos langues sont proches et nos cultures mitoyennes. Mais les Babi, Bachin et autre Piantou, ne sont pas des hypocoristiques mais des sobriquets racistes pour nos Piémontais devenus ouvriers ou manœuvres dans nos campagnes, bâtisseurs de nos restanques provençales qui témoignent encore. Les Sarde, Sarda, Sardon (franco-provençalisé Sardou) rappellent leur île proche, l’onomastique des Catalan, aux toponymes nombreux, renvoient aux Espagnols en général. La Méditerranée riche d’ethnies variées est omniprésente. Ce qui n’exclut pas la répression sociale et policière dans un pays ou sobriété rime avec pauvreté. Les ratonnades d’Aigues-Mortes, Marseille, Toulon, pour ne citer que les principales, firent des dizaines de morts et de blessés. La répression policière y fut toujours présente, la pauvreté n’a pas de patrie. Et la chanson sur « ceux qui viennent manger notre pain » n’est pas nouvelle. Il serait bon que tout ce pan d’histoire soit relaté dans les livres d’histoire à l’intention de nos jeunes générations.  Au même titre qu’il est urgent que les Lyautey, Faidherbe, Galliéni, Bugeaud, fers de lance du colonialisme « civilisateur », soient expulsés de nos squares. Il est vrai que le code noir de Colbert est ignoré d’une société oublieuse de l’esclavagisme aboli seulement en 1945… La classe politique doit encore faire sa psychanalyse idéologique et politique, engager une véritable désacralisation de ses compromissions, sans faire une sélection arbitraire qui voudrait la dégager des responsabilités de son passé.

     C’est une condition politique incontournable, tant il est vrai que pour l’extrême droite, confrontée à ce déni d’histoire, et pour Valls, ce sont les anti-racistes qui divisent les peuples et donnent libre cours à la « guerre entre races ». L’antienne sur les « communautarismes » permet d’éluder les problèmes de fond. Et une certaine gauche n’y est pas pour rien.  Quant à Macron l’indéboulonnable - mais jusqu’à quand ? -, il reprend son bâton de futur néo-président en déclarant que ce n’est pas bien de faire amande honorable devant l’histoire et de déboulonner les statues dressées en mémoire des grandes figures militaires qui honorent la République et ses vertus cardinales… Liberté, Egalité, Fraternité, les peuples colonisés ont malheureusement expérimenté ces principes.
     Il y a quelque chose de pourri dans cette Ve République qui n’en finit plus de se répéter dans l’abject.

G.T

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