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Le sort des migrants dans les Alpes-Maritimes :SUITE - S.F.
27 / 11 / 2017 399 lu(s) 
Le sort des migrants dans les Alpes-Maritimes : suite ...

               Une situation « ordinaire »

Depuis 2015, 15 migrants (et probablement plus) sont morts en essayant de traverser la frontière entre Italie et France ; certains ont chuté dans la montagne, certains ont été écrasés alors qu'ils marchaient sur l'autoroute ou sur la voie ferrée; pour la plupart très jeunes, fuyant des pays comme le Soudan ou l'Éthiopie, ils préfèrent braver tous les dangers pour essayer de trouver en Europe un avenir meilleur...ou, plus simplement, un avenir.
Récemment, deux d'entre eux, coincés dans un égout et en état d'hypothermie, ont été secourus par les pompiers avant d'être remis à la police pour être reconduits à la frontière.
Le lendemain, effrayés par une patrouille nocturne « anti passeurs », cinq migrants originaires du Maroc et du Nigeria, sont tombés dans une canalisation en béton. Une chute de 4 à 5 mètres. Une équipe d'une vingtaine de pompiers spécialisés dans les interventions en milieu périlleux s'est rendue sur place pour leur porter secours. Ils ont été transférés au centre hospitalier pour diverses fractures et traumatismes. Deux d'entre eux sont dans un état grave.
Ceux qui, touchés par ce drame permanent, leurs prêtent assistance, subissent les foudres des autorités et des hommes politiques bienpensants.
Ainsi, Cedric Herrou, agriculteur à Breil sur Roya, membre de l'association Roya Citoyenne, qui a certainement mieux à faire, collectionne les journées de garde à vue, les poursuites judiciaires, sans oublier une condamnation, mardi 8 août 2017, à quatre mois de prison avec sursis – ce qui signifie qu'en cas de nouvelle poursuites, il pourrait être condamné à de la prison ferme.
A l'énoncé de ce verdict, Christian Estrosi, « grand humaniste », a exprimé sa  satisfaction.
Pierre-Alain Mannoni, qui n'avait pas davantage un passé militant, a été reconnu coupable d'avoir voulu transporter trois jeunes filles érythréennes, en piteux état, dont une mineure ; relaxé en première instance, il a été condamné par la cour d'appel d'Aix à deux mois de prison avec sursis. L'audience a duré deux minutes
                                          
             Questions  « ordinaires »

Dans sa pétition que l'on peut trouver sur Change.org « tous avec Pierre-Alain ! », sa mère, Brigitte Mannoni se demande « A quoi ça sert d'élever des enfants en chrétiens, en leur disant qu'il faut partager, qu'il faut aimer son prochain comme soi-même, qu'il faut aider les plus démunis. À quoi ça sert d'essayer de leur donner la notion du bien et du mal ? On se le demande.
   A quoi ça sert de leur faire apprendre l'histoire de France, de leur parler de la deuxième guerre mondiale, de l'attitude des uns vis à vis des juifs et de celle des autres. Qui a obéi au nazisme et qui a désobéi ? Et qui sont les justes en fin de compte ? (…) on recommence les mêmes erreurs de comportement parce qu'on ne respecte pas l'être humain. Jamais je n'aurais pu imaginer que dans ma vie je verrais mon fils condamné pour un acte de charité, pour un geste d'humanité, pour que cela ne devienne pas un exemple. »
Félix Croft a été inculpé en Italie après avoir été arrêté à la frontière franco-italienne. Il transportait dans sa voiture une famille de cinq soudanais: la mère enceinte, son mari, son frère, et ses deux enfants de 5 et 2 ans qui avaient fui le Darfour suite à un massacre dans leur village où leur maison avait été incendiée. Félix souhaitait les abriter dans son appartement avant de les aider à effectuer leur demande d'asile dans l'endroit de leur choix. Le 16 mars 2017, la procureur du tribunal d'Imperia a requis 3 ans et 4 mois de prison ferme, et 50 000€ d'amende à son encontre ; mais il a été relaxé, le tribunal reconnaissant le caractère humanitaire de ses actes.
                              
Surenchères de l’extrême droite et pressions « ordinaires »

Certains anciens membres de l'association Roya Citoyenne, reprochent à ses animateurs de l'avoir détournée de ses objectifs initiaux, et une association d’extrême droite « Défendre la Roya », chapeautée par le conseiller régional FN Olivier Bettati, a intenté une action judiciaire pour demander sa dissolution, en faisant un rapprochement des plus douteux entre ces migrants et l'entrée sur le territoire de  terroristes djiadistes (le jugement en référé doit être rendu le 9 novembre).
Pourtant, à ce jour, aucun de ces migrants ne s'est fait remarquer pour des faits de délinquance et encore moins de terrorisme.
A l'occasion de l'audience, un rassemblement solidaire a eu lieu devant le palais de justice et a vu se constituer un nouveau collectif : « Solidarités Migrants – Collectif 06 ».
Dans un dossier diffusé aux informations régionales le 31 octobre, il est fait état d'une atmosphère devenue explosive dans la vallée ; certains habitants se disent exaspérés de devoir sans arrêt ouvrir le coffre de leur voiture aux forces de l'ordre, , invoquent l'absence de clients sur le marché, liée, selon eux, à ces tensions qui divisent les familles, reprochent au maire de Breil de trop s'occuper des migrants ; un journal anti migrants a vu le jour à l'initiative d'un membre de l'extrême droite, encore plus radical que le FN puisqu'il avait reçu le soutien de J.M Le Pen aux législatives contre M. Bettati ; ce journal colporte des idées tellement nauséabondes que M Bettati a tenu à s'en démarquer.
De son côté, Cédric Herrou rappelle que le problème des migrants est européen et que ce n'est pas le rôle des habitants de la vallée de le prendre en charge. Il fait remarquer que le préfet n'est jamais venu voir ce qui se passe dans la vallée.

  Dénoncer les responsabilités de l’ordre établi

Comme souvent, la préfecture a refusé de répondre aux journalistes.
Et, contrairement au problème des migrants de Calais ou de Paris, il ne semble pas que celui des migrants des Alpes-Maritimes suscite un grand intérêt de la part des médias nationaux : c'est loin de Paris, le pays niçois - ou peut-être ces migrants-là sont-ils trop discrets pour que les journalistes parisiens aient envie de parler d'eux.
Le 23 octobre, sur une radio locale, un reportage donnait la parole aux agents CGT de la SNCF, qui demandent à ce que les migrants aient le droit de prendre le TER pour venir faire leur demande d'asile à la préfecture.
Ils se disent traumatisés de découvrir des cadavres complètement calcinés de migrants qui s'étaient cachés sur le toit d'un train ou dans les locaux techniques ; ils s'insurgent contre la politique répressive de la police qui fouille les TER, cassant au passage les cadenas des portes des locaux techniques et occasionnant ainsi de gros dégâts dans les trains qui, pour certains, ne sont plus en état de circuler sans danger pour les usagers.
Lorsque des mineurs sont arrêtés, ils sont reconduits à la frontière, au mépris des prescriptions en vigueur à la SNCF qui seraient de les remettre à des institutions spécialisées pour les enfants. Une employée de la SNCF qui a essayé de s'insurger contre ces faits, concernant le cas de deux jeunes filles de 13 ou 14 ans en pleurs, a subi des menaces ; il se dit que la SNCF risquerait une amende de 30 000 € si elle n'obtempère pas.
Ces malheureux ne demanderaient qu'à se trouver une petite place dans notre pays et, pour certains d'entre eux, à poursuivre des études qu'ils ont été obligés d'interrompre dans leur pays gangrené par la misère ou la guerre civile .
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, sous le même ciel bleu, dans les ports de la côte, les badauds admirent les yachts des milliardaires.
                                S.F.

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